R.Can : Militant du bien-être
Gosse des rues, il a su mettre sa rage au profit de l’humain. Loin du stéréotype du rappeur, R.Can parle d’amour, de sa vie, de ses proches… Comme une sorte de thérapie collective, il couche ses expériences sur le papier…
R.Can est un rappeur atypique. Il ne parle pas de sexe, de violence, ou de drogue… Il ne court pas après le succès, ce qu’il cherche c’est l’écoute, l’échange. «L »important c’est d’être soi-même, de faire naître des sourires. Je ne suis pas enquête de notoriété, sinon je livre-rais une autre musique. Ma musique ne passe pas sur les ondes,elle est trop lourde de sens, elle n’est pas là pour faire danser lesgens.» R.Can avoue qu’il vit sa musique comme une forme de thérapie, il évolue donc en même temps que ses textes. Au-delà de lui, il cherche à transmettre, à faire réfléchir «l’être humain n’a pas envie de changer, c’est dur de faire un travail sur soi-même, de se regarder dans le miroir. Pourtant c’est la seule façon d’évoluer positivement.» C’est ce message-là, qu’il tente de faire passer. Fuir la facilité, pour devenir meilleur. Et dans ses paroles, ce n’est pas qu’une utopie, c’est aussi son parcours qu’il décrit. Gamin de la rue, élevé dans les foyers, il était parti pour mal finir. Il a connu la faim, les nuits dehors et les assistantes sociales. Mais loin de larmoyer sur son passé, il est devenu ce qu’il est aujourd’hui grâce à ce vécu «finalement je suis content d’avoir galéré, sinon je n’en serais pas là aujourd’hui.» A 16ans, il traîne avec ses copains, il tague, et pendant leurs allers-retours en train «ils font les cons» comme il dit. Ils commencent à rapper, beaucoup d’improvisations. L’un sort le rythme, les autres les paroles «on rappiotait». C’est ainsi que R.Can commence à voir le jour. Son vrai prénom c’est Xavier, mais son parcours l’amènera à être ce qu’il est aujourd’hui R.Can, un rappeur avec un cœur. Mais pourquoi ce nom? R.Can? Il est directement lié avec ses tags, ces lettres, il les maîtrise bien, cela restera. A 19 ans, il arrive dans le département des Pyrénées-Orientales, il a besoin de paix, ras le bol du climat parisien.
Premiers textes, premières scènes
C’est à cette époque qu’il écrit ses premiers textes. Il commence dans la foulée, des petits concerts, des scènes, des festivals de quartiers. Son premier texte s’appelle «respecte tes parents», le second «tenaillé par la faim». Depuis le début R.Can ne s’inspire que de ses expériences ou de ses pensées personnelles «je ne peux pas rapper letexte d’un autre, c’est trop personnel, un artiste est avant tout un être en souffrance, avec un grand besoin de s’exprimer.» R.Can se livre donc, pour lui mais pour les autres aussi «mon but c’est d’arriver à avancer, progresser, et que lesautres fassent le même cheminement, même si c’est parfois difficile.» Il se sent comme un militant du bien-être, là pour faire avancer les gens et non juste pour les divertir. «Pour moi, nous sommes dans un monde de violence et d’incompréhension, il y a un grand manque d’amour, tout part de là. Les gens tentent d’avancer avec leurs carences, moi j’essaie de leur apporter ce qui leur manque, ou en tout cas de les aider.» En 2001, il est élu nouveau talent, révélation de l’année sur la scène de Paris DayRap, et fait la première partie d’Out kast à l’Élysée Montmartre. Dans la foulée, il obtient son premier support discographique en commun avec différents artistes. Par la suite, les années vont être compliquées pour les maisons de disques, R.Can en profite pour se consacrer pleinement à sa vie de famille et à la construction de sa maison, tout en continuant la scène. Il va aussi prendre son temps pour s’ouvrir à d’autres musiques, aller voir des concerts, s’inspirer d’autres styles…c’est ainsi qu’il décide de monter une formation acoustique qui accompagnera ses textes. Depuis ce temps-là, cinq musiciens l’accompagnent, un batteur, un bassiste, un claviériste, un saxophoniste et une violoniste. Ils permettent de révéler, soutenir les textes, accentue leur rythme et leur force.
«L’inexplicable»
En 2008, il sort son tout premier album solo en auto-production «L’inexplicable». «Un travail de fou, avec la promotion, les affiches, le contact avec les médias, mais il s’est très bien vendu sur Perpignan.» A partir de là, tout s’enchaîne, ou tout du moins, tout continue. En 2010 R.Can sort son deuxième album, toujours en auto-production mais cette fois-ci la sortie est nationale. A côté de ses albums, il continue les scènes avec sa formation de musiciens. R.Can, le rappeur, la personne, mais aussi sa vie, ses textes évoluent… Il fait alors une rencontre qui va marquer sa vie… Jordi Barre. «Rencontre improbable» comme il la décrit. «Nous nous sommes rencontrés dans une émission en direct sur France Bleu Roussillon. C’était humain, magique… et ça ne s’est pas arrêté qu’à la musique. C’était un réel échange.» De cette rencontre née une chanson «Décloisonnement intergénérationnel». Un chanteur catalan, un rappeur originaire de la banlieue parisienne, un jeune l’autre moins, main dans la main pour un même message: faire tomber les barrières entre les gens, les préjugés, les a priori. R.Can chante aussi avec Tékaméli, groupe de musique gypsie de Perpignan, «Cante». Désormais Xavier, le gamin des rues est devenu R.Can, père de famille, jointeur et rappeur. Il part régulièrement faire des scènes un peu partout à l’étranger, notamment au Maroc, mais aussi en France, à Paris, à Carpentras, à Montpellier entre autres, et bien sûr dans le département des Pyrénées-Orientales. Il anime aussi des ateliers d’écriture dans les prisons, les établissements scolaires et les foyers. Il n’oublie pas d’où il vient. Mais avant tout, il travaille, car R.Can n’est pas qu’un rappeur, son premier métier, qu’il exerce main-tenant depuis 19 ans, c’est enduiseur placo-plâtre «ça me permet de garder un pied dans la réalité, moi je rappe pour les avocats et pour ceux qui passent le balai». Il finance lui-même ses albums. Il travaille actuellement sur le troisième «à chaque fois, j’évolue, je livre des choses différentes, plus mûres, j’essaie d’offrir une certaine philosophie de vie.» R.Can est résolument optimiste «il y a des touches d’espoirs partout, des fleurs poussent dans le caniveau». C’est l’histoire du verre rempli à moitié… Dans ces loisirs, R.Can pratique la course sur route, notamment du 10 000 mètres et du trail, courses effectuées en nature. Sur la route comme dans la vie, il dépasse ses souffrances pour avancer et franchir la ligne d’arrivée. Le chemin de R.Can continue…
Prochains concerts: le 5 mai à Alenya ; le 19 mai à Font-Romeu
Source: semaine du Roussillon
Article de Raphaelle Baker